Déclaration SNTRS-CGT sur le Budget rectificatif n°2
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Déclaration SNTRS-CGT sur le Budget rectificatif n°2
Dans l’idiolecte administratif, l’adjectif « rectificatif » ne désigne plus que des opérations techniques et non une véritable correction d’une trajectoire budgétaire qui, depuis le budget initial du CNRS examiné en décembre 2021, demeure dans la ligne de l’austérité. On pourrait même dire que la « rectification » (au sens littéral du terme cette fois-ci) n’est qu’un euphémisme : le BR2 affiche une baisse des recettes 0,3%, mais surtout une inquiétante baisse des dépenses d’un peu plus de 7%. Quand les moyens humains et financiers manquent déjà cruellement, on nous demande de serrer encore la ceinture.
Arrêtons-nous d’abord sur un fait inacceptable qui montre le peu de cas que l’État fait de nous, agents publics de l’ESR : la non compensation de la hausse du point d’indice de 3,5%. Déjà insuffisante, cette hausse, qui ne compense ni l’inflation estimée à près de 6%, ni la perte du pouvoir d’achat que les fonctionnaires ont subie pendant une décennie (près de 20%), coûtera pour cette année au CNRS 36,8 millions d’€. Comment fera-t-il face ? En réduisant d’autres dépenses ?
Le 3 octobre, la CGT fonction publique a adressé une lettre à Monsieur Guérini, ministre de la Fonction publique, avec copie à la ministre de l’ESR Madame Retailleau pour demander que l’État, assumant ses responsabilités envers ses agents qui travaillent dans l’ESR, compense au plus vite cette dépense indue des établissements. Nous n’avons pas encore eu de réponse.
La CGT étant opposée à l’individualisation des rémunérations qui divise les collègues, nous pourrions nous réjouir du report en septembre de la composante C3 du RIPEC. Mais cette « économie » de près de 2 millions d’€ se fera encore une fois sur le dos du personnel. La maltraitance continue.
Poursuivons avec une interrogation : il y a deux ans, le ministère des finances avait reproché au CNRS de prélever sur son fonds de roulement et de ne pas assez « épargner », comme si un organisme public de recherche devait fonctionner comme une entité lucrative. Le BR2 montre que le fonds de roulement est très bas cette année. Mais Bercy ne dit rien. Est-ce parce que ce fonds servira à couvrir ce que l’État n’octroie pas ?
Le CNRS « perd » quelques 46 millions d’€ suite à l’annulation de la vente de Meudon. Le SNTRS-CGT avait toujours exprimé son opposition à cette vente, dont les conséquences négatives sur les conditions de travail des collègues de la Direction technique INSU et du Service central des concours avaient été soulignées. Or, autant nous sommes satisfaits que le CNRS n’ait pas été cette fois-ci à la merci des promoteurs, autant nous demeurons inquiets car il ne s’agit pas d’un abandon, mais d’une suspension « temporaire ». Nous avons souligné à plusieurs reprises que ce site historique et si bien situé doit demeurer un site dédié à la recherche et non une « bonne prise » pour des promoteurs qui convoiteraient la superbe vue sur la tour Eiffel. Nous proposons que le CNRS prenne contact avec le CNES, aujourd’hui que le déménagement de la DT INSU à Gif laissera plus de locaux libres. Ce serait d’ailleurs une belle continuité scientifique. Nous attirons également l’attention sur le devenir du SCC, qui semble aussi être promis à délocalisation dans le lointain Gif-sur-Yvette : pour le personnel, pour les jurys des concours et pour les candidats, la distance poserait des difficultés supplémentaires.
Le produit de la vente de Meudon n’abondera donc pas les caisses du CNRS. Or nous avons entendu qu’il servirait notamment au recrutement des ingénieurs transfert et des ingénieurs Europe, personnes très qualifiées dont la rémunération devrait être suffisamment « attractive » pour les inciter à venir dans un organisme public plutôt que d’aller au privé. Le CNRS économisera-t-il cet argent en réduisant d’autres dépenses ?
Ces personnes auront des CDD de 3 ans : voilà encore une fois la tendance à passer outre le statut de fonctionnaire et l’emploi permanent, tandis que les besoins couverts par ces postes ne sont pas temporaires. Les ingénieurs transfert sont censés faciliter la valorisation de notre recherche en faisant l’intermédiaire avec l’industrie. La CGT est favorable à un dialogue fructueux et à armes égales entre recherche publique et industrie, qui réponde aux besoins de la société et crée des emplois de qualité. Cela ne doit pas être considéré comme une activité de court terme, juste pour satisfaire des « modes » ou des désidérata patronaux. Ce sera impossible avec un personnel précaire. Pour le personnel du CNRS désireux de valoriser son travail, changer d’interlocuteur tous les trois ans fera perdre du temps.
Cette tendance à la casse du statut de fonctionnaire au moyen des différentes formes de précarité, soit des premiers de cordée (les « chaires de professeur junior » très bien payées pour « attirer les meilleurs ») soit des « ordinaires jetables » des projets qui se multiplient pour permettre d’engranger des « ressources propres », convient bien à l’austérité : ne miser que sur les « excellents » et non sur l’ensemble du personnel qui assure au quotidien la qualité et le rayonnement de la recherche publique française.
Lors d’une récente conférence européenne, nous avons rencontré nos partenaires syndicaux de l’ESR et constaté que les métiers de l’ESR ont perdu leur attractivité partout, même dans les pays comme la Norvège, le Danemark ou la Finlande considérés comme des exemples. La désaffection touche les jeunes : un tiers d’entre eux songent à quitter l’ESR après s’être donné tant de mal pour y entrer. Et l’OCDE, dans une étude publiée en 2021 sur les carrières académiques, s’inquiète de la précarité que ces jeunes vivent comme une agression.
Austérité et précarité signifie dévalorisation de la recherche scientifique. Le SNTRS-CGT ne s’y résoudra pas. Comme nous l’avons fait lors du vote du BI et du BR1, nous voterons contre ce BR2 et continuerons à revendiquer des moyens et des emplois pérennes pour bien faire notre travail et remplir notre mission envers la société.