Déclaration du SNTRS-CGT au CA du 15 décembre 2023 sur le budget 2024 du CNRS
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Déclaration du SNTRS-CGT au CA du 15 décembre 2023 sur le budget 2024 du CNRS
De décembre à décembre, d’année en année, nous faisons le même rêve : que notre maison CNRS gagne en solidité grâce aux moyens financiers ; que nous, personnels, gagnions en tranquillité pour accomplir notre mission, et que la recherche publique soit respectée et reconnue jusqu’au plus haut sommet de l’État. Nous aimerions ne pas avoir à nous répéter constatant encore un budget d’austérité. Le fait d’avoir reçu les documents budgétaires l’avant-veille du CA au soir, et de ne disposer que d’une seule journée pour les étudier, montre une volonté de nos tutelles de contraindre le CNRS d’accepter des reculs et un manque de considération envers nous, les administrateurs.
Mais cela ne nous étonne pas, pas plus que la non réalisation de nos rêves. Arrivant une semaine après les désastreuses annonces du président de la République sur l’avenir de la recherche française, annonces qui ont suscité l’inquiétude, l’incompréhension et la colère dans les laboratoires, le fait que l’État ne semble pas mettre les formes pour maltraiter le CNRS et ses personnels est tout à fait en ligne avec les annonces présidentielles. D’ailleurs, on nous avait déjà « conditionnés » à ce genre de mauvais traitement en ne compensant pas les (très insuffisantes) hausses du point d’indice. Ce mépris se poursuit dans le budget 2024 : les mesures dites Guérini ne sont toujours pas compensées, le CNRS doit mettre la main à la poche pour couvrir plus que la moitié, 28 millions d’€ sur 51.
La SCSP augmente de 1,4% par rapport à 2023 : avec une prévision d’inflation à 4,5%, nous n’appelons pas cela une augmentation, mais une façon ridicule d’obliger le CNRS soit de rogner sur ses dépenses et donc de pénaliser la recherche, soit d’intensifier la fuite en avant de la « recherche » non de nouvelles connaissances, mais de nouvelles sommes d’argent pour faire son travail. Les ressources propres augmentent à chaque budget, sans pour autant éviter le « rognage ». Le solde budgétaire n’est négatif « que » de 50 millions, la variation du fonds de roulement est du même ordre, ce qui est peu pour un budget global de 4 milliards. Le CNRS est donc encore une fois un « bon élève », mais à quel prix ?
L’examen des ressources FEI (fonctionnement, équipement, investissement) réparties entre les instituts montre une baisse, variable selon l’institut. Certes, elle n’est spectaculaire pour aucun, mais une quasi stabilité ou une petite baisse se transforment en baisse importante avec une inflation à 4,5%. Même l’interdisciplinarité, pourtant domaine phare du CNRS, n’augmente pas. Aurait-on du souci à se faire, suite aux annonces de la transformation souhaitée des organismes de recherche en « agences de programmes » où le CNRS se verra attribuer selon la volonté présidentielle les domaines « océan, climat, biodiversité » ? La pluridisciplinarité du CNRS, dont découle l’interdisciplinarité, serait-elle bientôt caduque ? Et s’il s’agit d’une agence de programme qui s’ajoute à tout le reste, avec quels moyens le CNRS accomplira-t-il cette mission ?
Les dépenses de la formation permanente baissent de quelques 2 millions par rapport à 2023 : ce sont des économies réalisées grâce par exemple au « e-learning » qui ne fait pas l’unanimité, plusieurs collègues souhaitent ardemment bénéficier de formations en présentiel. Nous sommes aussi très inquiets, vu le désastre des outils de gestion des missions, concernant l’impact annoncé sur le travail des professionnels de la formation à cause de déploiement d’un nouvel outil. Quant aux dépenses de l’action sociale, leur augmentation d’un tout petit 1,07% par rapport à 2023 ne permettra pas d’aider vraiment les collègues, de plus en plus nombreux à se trouver en difficulté vu la cherté de la vie et l’insuffisance des rémunérations.
Parlons salaires et primes : s’il est louable de rendre plus attractifs les métiers dits de « support » à la recherche (encore que cette distinction entre « soutien » et « support » ne tient pas compte de l’apport de toutes et tous à la recherche, quel que soit leur métier) en leur accordant cette prime de 5,5 millions qui fut l’objet semble-t-il d’âpres négociations et qui ne sera effective qu’au 1er juillet au lieu du 1er janvier, les autres primes restent insuffisantes par rapport au reste de la fonction publique. Et s’il est important que nos collègues chercheurs puissent avoir des primes équivalents aux ingénieurs de recherche étant recrutés au même niveau de diplôme, nous aimerions non « l’accroissement » du nombre de bénéficiaires de la composante liée à la « qualité des activités et à l’engagement professionnel », mais sa généralisation. Loin de penser, comme le dit le Hcéres et l’a claironné le président Macron, que l’évaluation positive à 98% des collègues ou des unités révèle son caractère « formel » ne permettant pas de séparer le bon grain de l’ivraie, nous sommes satisfaits de ce taux, signe que l’écrasante majorité des collègues font preuve d’un engagement de haut niveau et leur travail est de grande qualité.
Les recrutements restent stables, 270-360, mais ce nombre est déjà bas par rapport aux besoins. Le remplacement d’un peu plus de 100% des départs à la retraite en 2024 reste insuffisant : non seulement les autres départs ne sont pas remplacés, mais le taux est conjoncturel et la récente réforme des retraites, combattue par tous les syndicats, ainsi que le nombre ridiculement bas des promotions (seul moyen d’augmenter les salaires…) risquent d’avoir un impact sur les départs, et par conséquent sur les entrées. Le plafond d’emploi est d’ailleurs une fois de plus en baisse de 50 ETPT soit 0,2 %. Et ce ne sont pas les 40 chaires de professeur junior qui remédieront au manque de personnel : le bilan de ces « tenure-track à la française » financées à hauteur de 2,7 millions pour 2024 (SCSP) ne se fera qu’au moment de leur titularisation éventuelle en 2026. Nous avons exprimé notre total désaccord avec cette « précarité de luxe » qui ouvre une brèche au statut de la fonction publique et crée des divisions au sein des unités et équipes de recherche. Ce ne sont pas non plus les 34 ingénieurs transfert et autant Europe (financés à hauteur de 5,8 millions à chaque fois sur RP), précaires couvrant des besoins permanents voire essentiels que le sacro-saint « plafond d’emploi » ne permet pas de recruter comme titulaires. Ne serait-il pas temps de « crever » enfin ce plafond-carcan ?
Un dernier mot sur le statut de fonctionnaire : des CDI continueront de compléter les recrutements par concours « dans des métiers ciblés » comme l’informatique ou ceux nécessitant une « expertise spécifique ». La diversification des procédures de recrutement quand il existe la voie simple du concours nous inquiète. Notre statut est reconnu comme un gage de qualité, non comme un frein à la modernité. Et si le président Macron considère les statuts non comme une « protection » mais comme une « complexité », à nos yeux les statuts garantissent nos libertés et, selon l’aveu même du Hcéres, permettent de prendre des risques et d’explorer les recoins les plus inattendus de la connaissance.
Le SNTRS-CGT votera contre ce budget qui s’inscrit dans une trajectoire de repli du CNRS et ne lui permet pas d’accomplir son rôle clé dans la recherche publique française et à l’international.