Emmanuel Macron veut réduire la voilure des organismes nationaux de recherche : tout le monde sur le pont ! Hisse et oh !

jeudi 7 avril 2022

Emmanuel Macron veut réduire la voilure des organismes nationaux de recherche : tout le monde sur le pont ! Hisse et oh !

La feuille de route adressée par le candidat Macron aux directions de nos établissements nationaux est claire et dans la continuité de la politique menée depuis des années. Les maîtres-mots sont : externalisation, ressources propres, mutualisation, désumérisation, politique de site… Au niveau des sites, justement, après avoir entamé le dépeçage du site de Meudon-Bellevue, le CNRS vient de décider de mutualiser les délégations régionales de Normandie et de Paris Michel Ange, avec toutes les questions que cela pose (cf. Communiqué du SNTRS-CGT du 24 mars 2022).

Concernant la tutelle CNRS sur les unités mixtes de recherche, le projet consiste à désengager le CNRS de plusieurs centaines d’entre elles  ! Rien n’est encore très précis, mais la volonté de réduire la présence du CNRS au niveau des sites universitaires est parfaitement assumée par M. Petit, PDG du CNRS, pour qui l’enveloppe budgétaire ne permet de maintenir l’organisme que dans un nombre limité de sites, là où la direction du CNRS considère que le retour sur son investissement est scientifiquement (stratégiquement ?) rentable. Antoine Petit nous a, certes, assurés que les agents des unités dont le CNRS n’assurera plus une co-tutelle ne seront pas obligés de trouver une autre affectation, et que le CNRS continuera à soutenir leur équipe (par quels moyens ?), mais à terme, la présence du CNRS n’est-elle pas en voie d’extinction dans ces unités ? Il y a réellement une réduction de la voilure afin d’accentuer le cap libéral de la politique mise en œuvre ces dernières années !

Cette politique a comme conséquence, entre autres méfaits, la transformation de nos métiers. Elle remet aussi en cause le statut de fonctionnaire du personnel des organismes (lire l’encadré 1). Les réformes profondes de la recherche publique depuis 20 ans n’ont jamais réellement permis un progrès quelconque dans l’effort de recherche. Au contraire, elles n’ont servi qu’à complexifier terriblement le paysage académique autant que le financement de la recherche. On nous fait le chantage à la mutualisation du personnel sur plusieurs laboratoires, notamment par la création d’UAR (Unité d’appui pour la recherche) afin de garder l’espoir de recruter des agents techniques. A quand les laboratoires restreints aux chercheur·e·s, obligé·e·s de monter un dossier à chaque fois qu’ils ou elles souhaiteront travailler concrètement en équipe avec du personnel technique ? A nos craintes, la direction du CNRS répond qu’il s’agit d’une volonté de certains instituts. A cela, nous rétorquons que l’éloignement des agents techniques des laboratoires est totalement suicidaire ! Pire encore, nous assistons à une externalisation progressive de plusieurs métiers, y compris au niveau de fonctions omniprésentes dans certains domaines et qui nécessitent une réactivité au plus haut point. Pour aller encore plus loin dans le désengagement, les incitations à financer la recherche publique via des ressources propres sont de plus en plus fortes, y compris pour les postes, en témoigne la création de CDI de mission scientifique (décret LPR n° 2021-1449). Pour en savoir plus sur les prétendues enveloppes budgétaires contraintes, lire l’encadré 2. Et que dire de ces nouveaux profils d’« Ingénieurs transfert » que l’on nous propose alors que nous ne les avons aucunement demandés ? Ne s’agirait-il pas de généraliser l’ouverture de nos plateformes techniques aux entreprises extérieures au CNRS, afin d’assurer le financement du fonctionnement desdites plateformes ? Pire encore, pour nos jeunes collègues, la LPR a accouché des chaires de professeurs juniors (CPJ), que le CNRS met finalement en place en 2022 avec 25 chaires que nous avons déjà dénoncées à plusieurs reprises. cf communications du SNTRS-CGT, Communiqué intersyndical. Sont-ce les seules perspectives que nous avons à proposer aux jeunes motivé·e·s par les carrières scientifiques ? Encore plus de précarité, de concurrence, pour l’immense majorité. Et a contrario pour certain·e·s qui seraient bien dans le moule des start-up et/ou sur des projets à la mode (les CPJ), on ouvrirait un pont d’or, au mépris du statut, et en échange d’objectifs de rentabilité ; ces mêmes objectifs qui ont montré, ces dernières années, toute leur nocivité pour la recherche fondamentale.

Les gouvernements libéraux successifs n’auront eu de cesse d’affaiblir la recherche publique, sans jamais respecter leurs propres engagements de financer la recherche à la hauteur des enjeux actuels. La Loi de programmation de la recherche n’est ainsi qu’un cortège de mesures libérales, qui ne préserve même pas le vernis de porter à 3 % du PIB l’investissement dans la recherche. La France dépasse à peine les 2 % dont une grande partie est hypothéquée par le crédit impôt recherche (CIR). Plus grave, les missions des organismes de recherche n’ont eu de cesse d’être dévoyées et affaiblies pour, soi-disant, « accroître la visibilité des universités françaises » dans le classement de Shanghai. Pour en savoir plus sur les raisons profondes de ces transformations et sur leurs dangers, lire l’encadré 3.

Opposons-nous à cette politique de désengagement, d’asservissement à des missions qui ne sont pas celles du service public de recherche, missions qui ne doivent pas être asservies à des objectifs purement financiers, comme cela a été malheureusement fait à l’hôpital public, mais bien être au service de la population ! En effet, seule une recherche publique forte permet de créer des emplois dans des secteurs innovants et d’assurer l’avenir des industries françaises.

Changer de cap est donc une question de survie des missions de nos organismes nationaux de recherche mais aussi de préservation de nos emplois privés comme publics ! Afin de mettre un coup d’arrêt à cette politique, le SNTRS-CGT œuvrera à la construction d’une mobilisation la plus large possible, dans l’unité, pour interpeller la direction du CNRS et le ministère.


Pour en savoir plus sur nos analyses :

Encadré 1 : Remise en cause du statut de fonctionnaire

Le gouvernement actuel a révélé en février une partie de son programme pour l’enseignement supérieur, la recherche, l’éducation et la culture, par la voix de Bruno Lemaire, actuel ministre de l’économie. Un super-ministère fusionnant les trois ministères actuels est en projet. Il est envisagé rien moins que l’abandon du statut de fonctionnaire et des concours de recrutement afférents comme le Capes. Cela signifierait que tous les nouveaux entrant·es seraient embauché.e.s comme contractuel·les, et qu’à terme, les fonctionnaires en poste pourraient également perdre leur statut.

Cela rappelle furieusement les démantèlements de la Poste, de France Telecom et maintenant de la SNCF, qui ont tous démarré par l’abandon du recrutement sous statut. La mise en place de nouveaux contrats (CDI de mission scientifique, CDD de projet, chaires professeurs junior (CPJ)) est d’ores et déjà une manière insidieuse d’habituer les esprits à ce que le statut de fonctionnaire ne soit plus la norme (déjà souvent atteint après plusieurs années de CDD, post-doc, vacations etc) (cf communiqué de la CGT lors du conseil commun de la fonction publique de l’Etat).

Le statut de fonctionnaire a été étendu aux organismes de recherche en 1984, notamment pour garantir l’indépendance des personnels dans leur recherche vis à vis d’intérêts privés. Il a été considérablement mis à mal ces dernières années avec le gel du point d’indice, le manque de postes et la loi de transformation de la Fonction publique en particulier. L’indépendance des chercheur·ses est mise à mal par le fonctionnement par appels à projet et les facilités dans le déroulement de carrière sans cesse élargies entre emplois public et privé. Pour autant, ce statut reste bien plus protecteur pour les agents que celui de contractuel : il permet une progression automatique du salaire à travers les grilles indiciaires, donne beaucoup plus de droits, notamment contre les pressions hiérarchiques et la possibilité de licenciement.

Encadré 2 : Que répondre aux directions qui prétextent une enveloppe budgétaire trop contrainte ?

De l’argent, il y en a … notamment pour les cabinets de conseil privés, comme le détaille un récent rapport du Sénat. Y compris dans l’Enseignement supérieur et la Recherche, le recours à ces sociétés est courant et proprement scandaleux. Le journal Le Monde du 17 mars 2011 écrivait déjà à propos de la mise en place des IDEX : «  De la définition de stratégie à la rédaction de projets, les prestations facturées par les diverses sociétés oscillent de quelques dizaines de milliers d’euros à 300 000 euros.  » Les dirigeants de nos universités n’ont aucun état d’âme à dilapider l’argent public pour engraisser des Deloitte, Ernst & Young, Eurogroup, Bearing Point, Kurt Salmon, mais aussi McKinsey (eh oui !), Algoé ou Alcimed... Il s’agit aussi de s’acheter des logos, des marques… Alors, de l’argent, il n’y en aurait pas ?

Encadré 3 : Quelles sont les raisons profondes de ces transformations, au-delà de l’idéologie anti-fonctionnaires, anti-services publics ?

La Cour des comptes, notamment, avait déjà vendu la mèche dans sa note d’octobre 2021 (cf communication du SNTRS-CGT) ; « [les universités pourraient] disposer de la délégation de gestion pleine et entière des [UMR]. Dans cette optique, il serait souhaitable que les corps des chercheurs rattachés à ces unités soient également intégrés et fusionnent avec ceux des enseignants-chercheurs, afin que l’université en devienne l’unique employeur [...]. Les organismes deviendraient, quant à eux, des agences de moyens, spécialisées dans les domaines qui les concernent, et leurs implantations régionales disparaîtraient, amenant ainsi d’importantes économies d’échelle sur l’ensemble du territoire. La perspective d’une fusion de ces organismes avec l’ANR pourrait, à terme, être étudiée  ». Le président Macron lui avait emboité le pas lors du congrès de la Conférence des présidents d’université du 13 janvier : « Demain, ce sont nos universités qui doivent être les piliers de l’excellence, le centre de gravité pour la recherche comme pour la formation. [...] il faudra encore que nous renforcions la capacité de nos grands organismes à jouer un rôle d’agences de moyens pour investir, porter des programmes de recherche ambitieux  ». Au niveau de l’Enseignement supérieur, Macron a déclaré « on ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants  ». Tout cela a le mérite d’être clair ! Et tout aussi clairs sont les patrons de l’université : « Imbrication des marques, comitologie, modèle économique : présidents et DGS dressent un premier bilan de trois ans d’EPE » dépêche AEF n° 669138.

Morceaux choisis : « Créer une image de marque, ne pas se concurrencer soi-même, simplifier la prise de décision… Le mot-clé c’est l’autonomie, car c’est ce qui nous a fait grandir et nous rapproche plus du modèle [de LVMH]… Outre les projets PIA et européens, il y a aussi des endroits où l’on peut mettre des frais d’inscription, alors on les met en créant des bachelors internationaux ». « On ne peut pas avoir de grands patrons dans nos conseils d’administration si on les ennuie avec du pinaillage  ». « Tout le travail de sortie de l’expérimentation sera le nettoyage des statuts. Nous avons clairement trop de détails dans nos statuts. C’était une manière de rassurer nos collègues, dont les craintes ont été gérées au prix de détails supplémentaires  ». Quant à la place des organismes de recherche dans cette nouvelle configuration : « Puisqu’on a voulu des universités fortes, à un moment il faut aller jusqu’au bout. Cela pose la question de l’évolution du rôle des organismes de recherche, le sujet n’étant pas leur disparition mais leur rôle et leur positionnement. »
Ainsi, leurs préoccupations s’affichent clairement :
- Leur inquiétude ? Ne surtout pas ennuyer les grands patrons dans les conseils d’administration !
- Leur préoccupation ? L’image de marque !
- Leur modèle ? LVMH (Sans blague !).
- Leur objectif ? Faire payer les étudiant·e·s.
- Leur souhait : simplifier non pas les structures mais les statuts (les toiletter…) et adapter le rôle des organismes de recherche.
Pourquoi le CNRS devrait-il changer de rôle ?

Nous ne pouvons ni ne voulons accepter que les organismes nationaux se plient aux choix stratégiques des universités et se restreignent au rôle d’agence de moyens.
Rejoignez-nous, rien n’est inscrit dans le marbre, seule la lutte paie !

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Tract SNTRS-CGT réduire la voilure

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"URGENCE : la mise en œuvre du Rifseep entérine les écarts de prime entre universités et organismes !"

URGENCE : la mise en œuvre du Rifseep entérine les écarts de prime entre universités et organismes !

REFUSONS cette injustice !

REFUSONS ce régime de prime inégalitaire entre les établissements mais aussi entre les agents au sein d’un même établissement !

ignez et faite signer la pétition en ligne : http://www.sntrs-cgt.cgt.fr/phpPetitions/index.php?petition=5